Décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols – JO du 28 novembre 2023
Décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols – JO du 28 novembre 2023
Les deux textes concernent l’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, leurs établissements publics.
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a fixé l’objectif d’atteindre le « zéro artificialisation nette des sols » en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années. Cette trajectoire progressive est à décliner territorialement dans les documents de planification et d’urbanisme.
L’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme introduit par l’article 192 de cette loi définit le processus d’artificialisation des sols et détermine les surfaces devant être considérées comme artificialisées et celles comme non artificialisées dans le cadre de la fixation et du suivi de cet objectif dans les documents de planification et d’urbanisme.
Le décret n° 2022-763 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme publié le 29 avril 2022 a fixé les conditions d’application de cet article. L’article R. 101-1 du code de l’urbanisme indique en particulier qu’afin de mesurer le solde d’artificialisation nette des sols à l’échelle des documents de planification et d’urbanisme, les surfaces sont qualifiées comme artificialisées ou non artificialisées selon les catégories d’une nomenclature annexée au décret. Ces surfaces sont appréciées compte tenu de l’occupation des sols observée qui résulte à la fois de leur couverture mais également de leur usage. La définition de cette convention de mesure est nécessaire pour décliner les objectifs de réduction de l’artificialisation nette à tous les échelons territoriaux (national, régional, local), avec une méthode commune d’estimation.
Décret relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols
Ce décret ajuste et complète ces modalités pour mieux répondre aux enjeux de préservation et de restauration de la nature en ville, du renouvellement urbain et de développement des énergies renouvelables.
Il précise que la qualification des surfaces est seulement attendue pour l’évaluation du solde d’artificialisation nette des sols (flux) dans le cadre de la fixation et du suivi des objectifs des documents de planification et d’urbanisme. Pour traduire ces objectifs dans le document d’urbanisme, il appartient à l’autorité compétente de construire un projet de territoire (dans le schéma de cohérence territoriale, puis dans le plan local d’urbanisme ou dans la carte communale), en conciliant les enjeux de sobriété foncière, de qualité urbaine et la réponse aux besoins de développement local.
Conformément à l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, la nomenclature précise que les surfaces dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites sont qualifiées de surfaces artificialisées. De même, les surfaces végétalisées herbacées et qui sont à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures, sont considérées comme artificialisées. Le projet de décret clarifie que les surfaces entrant dans ces catégories, qui sont en chantier ou à l’abandon, sont également considérées comme artificialisées.
En revanche, sont qualifiées comme non artificialisées les surfaces qui sont soit naturelles, nues ou couvertes d’eau, soit végétalisées, constituant un habitat naturel ou utilisées à usage de cultures, y compris les surfaces d’agriculture urbaine et les surfaces boisées ou arbustives dans l’espace urbain. Le décret confirme que les surfaces à usage de culture agricole, et qui sont en friches, sont bien qualifiées comme étant non artificialisées. Il dissocie par ailleurs les surfaces à usage agricole de celles végétalisées à usage sylvicole pour une mesure plus fine de ces types de surfaces.
Les surfaces végétalisées à usage de parc ou jardin public, quel que soit le type de couvert (boisé ou herbacé) pourront être considérées comme étant non artificialisées, valorisant ainsi ces espaces de nature en ville. Il en sera de même pour les surfaces végétalisées sur lesquelles seront implantées des installations de panneaux photovoltaïques qui respectent des conditions techniques garantissant qu’elles n’affectent pas durablement les fonctions écologiques du sol ainsi que son potentiel agronomique.
Enfin, sont intégrés les seuils de référence à partir desquels pourront être qualifiées les surfaces (50 m2 pour le bâti et 2 500 m2 pour les autres catégories de surface ; 5 mètres de large pour les infrastructures linéaires et au moins 25 % de boisement d’une surface végétalisée pour qu’elle ne soit pas seulement considérée comme herbacée).
Cette nomenclature ne s’applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans prévue à l’article 194 de la même loi : pendant cette période transitoire de 2021 à 2031, les objectifs porteront uniquement sur la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (entendue comme la création ou l’extension effective d’espace urbanisé). Cette nomenclature n’a pas non plus vocation à s’appliquer au niveau d’un projet, pour lequel l’artificialisation induite est appréciée directement au regard de l’altération durable des fonctions écologiques ainsi que du potentiel agronomique du sol.
Par ailleurs, le décret précise le contenu du rapport local de suivi de l’artificialisation des sols. L’article 206 de loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a introduit un nouvel article L. 2231-1 au code général des collectivités territoriales pour que les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents, dès lors que leur territoire est couvert par un document d’urbanisme, établissent un rapport tous les trois ans sur le rythme de l’artificialisation des sols et le respect des objectifs déclinés au niveau local. Le premier rapport doit être réalisé trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, cette mesure étant d’application immédiate une fois les dispositions réglementaires adoptées. Le décret précise les indicateurs et les données devant y figurer. L’élaboration du rapport s’appuie sur des données mesurables et accessibles, que possèdent l’ensemble des communes ou leurs groupements, ou qui leur seront en particulier mises à disposition par l’Etat à travers un observatoire national de l’artificialisation des sols (dont le décret précise le rôle). Il pourra comprendre toutes les informations que la commune ou l’intercommunalité souhaite apporter quant à l’évolution et au suivi de la consommation des espaces et l’artificialisation des sols. Dès lors qu’elle dispose d’un observatoire local, elle peut le mobiliser en ce sens.
Une disposition transitoire est prévue pour les indicateurs que les communes ou intercommunalités ne pourraient pas être en mesure de remplir, en l’absence de données durant les prochaines années, notamment compte tenu des échéances prévues à l’article 194 de la loi. Ces suivis réguliers permettront d’apprécier l’artificialisation des sols à une échelle plus fine et seront utiles pour alimenter les bilans de consommation des documents d’urbanisme.
Décret relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols
Pour la première tranche de dix années, le rythme de l’artificialisation des sols consiste à suivre la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). Les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) doivent par ailleurs décliner leurs objectifs au niveau infrarégional (article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales). Pour la première tranche, ils sont déterminés afin de ne pas dépasser la moitié de la consommation de ces espaces par rapport à celle observée lors des dix années précédant la promulgation de la loi.
Le décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 publié le 29 avril 2022 a précisé des modalités d’application pour l’intégration et la déclinaison des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols. Il a notamment détaillé les critères de territorialisation de la trajectoire et organisé la faculté de pouvoir mutualiser au niveau régional la consommation d’espaces ou l’artificialisation résultant de projets dits d’envergure nationale ou régionale.
Le décret du 27 novembre 2023 ajuste et complète ces modalités pour mieux assurer la territorialisation des objectifs de sobriété foncière et l’équilibre entre le niveau d’intervention de la région d’une part, et du bloc communal via les documents d’urbanisme d’autre part. Il tient compte des évolutions apportées par la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.
En ce sens, dans le rapport d’objectifs du SRADDET, les critères à considérer sont renforcés en faisant, à l’instar de la loi, mention explicitement à la prise en compte des efforts passés, et en indiquant qu’il convient de tenir compte de certaines spécificités locales telles que les enjeux de communes littorales ou de montagne et plus particulièrement de ceux relevant des risques naturels prévisibles ou du recul du trait de côte.
Par ailleurs, pour adopter une approche plus proportionnée et qualitative du rôle de la région vis-à-vis des documents infrarégionaux, le décret ne prévoit plus la fixation obligatoire d’une cible chiffrée d’artificialisation à l’échelle infrarégionale dans les règles générales du SRADDET. Cela reste une faculté de la région dès lors que les compétences des échelons infrarégionaux ne sont pas méconnues et ce notamment de par leur association dans le cadre de la procédure d’évolution du schéma. Plus généralement, toute règle prise pour contribuer à l’atteinte des objectifs dans ce domaine pourra toujours être déclinée entre les différentes parties du territoire régional identifiées par la région le cas échéant en tenant compte nécessairement des périmètres d’un ou de plusieurs schémas de cohérence territoriale (SCoT) existants, afin de ne pas méconnaître les compétences des échelons infrarégionaux.
A noter : un dernier décret relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols prévue au III ter de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a également été publié au JORF du 28 novembre 2023.
Entrée en vigueur : le 29 novembre 2023.
Liens vers les textes :
Source : Légifrance.